mardi 15 avril 2014

Il était une fois...

Saedroth est un inconnu que je croise sur facebook lors de ses apparitions textuelles, il avait gagné le concours d'histoire de Pâques que j'avais organisé pour Coffin Rock et j'aime beaucoup sa plume... Il réside dans la même ville que moi mais nous n'avons jamais eu l'occasion de nous croiser.

Hier sur facebook, j'ai partagé une photo que j'ai prise ce week end dans le château où j'ai fêté l'anniversaire d'amis et il a été inspiré.

Après avoir reçu son autorisation, je peux donc vous retranscrire la petite histoire que la photo lui aura inspiré !

 


Une histoire avant d'aller dormir? D'accord. Comment commence-t-on, déjà?

Ah, oui: Il était une fois...

Il était une fois, en une contrée si lointaine que nul ici n'en connais le nom, dans les temps reculés de ma jeunesse, un chateau construit au bord d'un immense précipice, dont la profondeur était telle que l'on racontait que les malheureux qui y tombaient avaient le temps de mourir de faim et de soif avant d'en heurter le fond. Si hautes étaient ses tours et ses flèches élancées que de leur sommet, on pouvait aux premiers jours de l'automne voir la neige tomber sur les contrées qui étaient déjà en hiver. Régnait sur ce chateau et ses contrées avoisinantes une lignée comme il n'y en a plus de nos jours, d'audacieux chevaliers qui avec l'âge devenaient des seigneurs justes et sages, et de gentes dames dont la beauté était telle que l'on venait de loin pour les voir, car l'on disait que les voir permettait aux aveugles de recouvrer la vue, et entendre leurs chants mélodieux rendait l'ouïe aux sourds.

N'eussais-je été chroniqueur à la cour en cette époque que je n'y aurais pas cru, mais j'ai assisté à de nombreuses merveilles auprès d'eux, dont beaucoup sont devenues légendes, et davantage encore ont été oubliées. Mais je n'en ai point vu autant que sous le règne de la dernière reine de la Haute Tour, et probablement n'en verrais-je jamais autant, dussais-je vivre mille et mille ans. Elle était née fille unique, et avait au fil des ans développé la beauté de ceux de son sang, mais également un tempérament mélancolique et porté sur la rêverie que nulle avant elle n'avait eu. Je crois bien qu'en tout et pour tout, de sa naissance à son départ, vingt mille prétendants ont passé à cette époque la herse du château. Mais toujours elle refusait, souvent sans dire pourquoi. Je me souviens qu'aux premières heures de la journée et qu'aux dernières de la soirée, elle montait tout les jours dans la tour la plus élevée du château, et qu'elle restait là, dans une flaque de soleil, appuyée aux montants de la fenêtre, à observer les nuages, leur trouvant des motifs fantasmagoriques et des formes sorties des enluminures des recueils de légendes, qu'elle affectionnait par dessus tout. Sa mère et son père finirent par quitter ce monde sans la voir mariée, la laissant reine, et toujours les prétendants affluaient au chateau. Les pavés de la basse-cour sont encore polis comme des gemmes des milliers de sabots ferrés qui les ont foulés, et les chambres des hôtes résonnent encore des lamentations des prétendants éconduits. On disait même d'elle qu'elle devait être sorcière pour attirer ainsi tant de beaux et jeunes hommes, bien que leur visite soit vaine. Et toujours elle regardait au loin, cherchant quelque chose que je ne saurais décrire, jusqu'à ce fameux jour...

Un soir, alors que le soleil lançait au royaume ses derniers rayons, réchauffant les vieilles pierres couleur de crème de la tour, je l'entendis soupirer et demander au vent du soir:

"Y a-t-il encore de la magie en ce monde?"

J'ignore encore et j'ignorerais jusqu'à mon trépas si la question était posée dans le vide, ou si, m'ayant entendu arriver, elle me l'avait posée. Mais quoi qu'il en soit, à compter de ce jour et pendant trois saisons, je compulsais les antiques chroniques et récits datant des premiers temps de Haute Tour, et je finis par trouver la raison de sa construction: de la magie, on n'en trouvait plus sur la terre des Hommes, mais en dessous, c'était une autre histoire. Le gouffre était la porte qui reliait ces deux mondes et le château, le verrou qui maintenait celle-ci fermée au cas où les étranges et biscornues peuplades qui vivaient au chaud près du fond du monde ne décident de remonter parmi les hommes. Apeuré parce que j'avais trouvé, j'ai tenté de la convaincre de renoncer à la magie et à ceux qui la pratiquent, mais hélas, il faut croire qu'elle avait en plus de la beauté de sa mère, hérité de la folle audace et de l'obstination de son père. Tous les hommes et femmes du royaume la cherchèrent quand elle disparut, des jours et des nuits durant, sans savoir où elle s'en était allée ni pourquoi. Il y eut de grandes battues, des fouilles sans fin, on dragua les lacs et les rivières en vain. Tous la cherchèrent, ou presque, car moi j'avais vu l'éclat rouge de ses cheveux, une nuit que je n'arrivais pas à dormir, et que je l'avais aperçu, descendant le lierre qui menait au fond du précipice. Des mois durant on la chercha, et je me demandais si elle reviendrait, puis l'on se lassa. Les petites gens reprirent le cours de leur vie, un seigneur voisin annexa les terres et Haute Tour sombra dans le silence et commença à décrépir doucement, petit à petit.

Longtemps je suis allé, une fois l'an, au jour de sa disparition, en pèlerinage à ce château qui m'avait hébergé il y a de cela tant d'années. Et chaque année j'ai traversé les salles vides et les couloirs plein d'échos, pour monter au sommet de la plus haute tour et me souvenir de la belle reine aux cheveux de feu, qui portait en guise de couronne des fleurs tressées, et qui donnait des noms aux nuages. Et un an que j'étais resté presque toute la nuit durant au sommet de la tour, à me souvenir des temps passés, j'ai su qu'il était temps de cesser mon pèlerinage, et de partir le cœur léger. Sortant du château pour rejoindre mon cheval, je me suis agenouillé et je me suis penché, presque à en tomber, dans la bouche noire du précipice, tant je n'en croyais pas mes oreilles, car il faut dire que le son était si faible que les sifflement sinistres du vent le couvraient presque, mais c'est soulagé que j'ai quitté ces terres...

Parce que bien que la Tour Haute était ruinée et sa dernière maitresse depuis longtemps oubliée, du fond de l'abime, j'ai entendu la reine chanter.


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 Je me trouvais un ptit air de princesse des mots tordus sur la photos, mais je crois que je suis plus fan de l'histoire qu'il a crée !

8 commentaires:

  1. oua O_o il a une sacrée plume le monsieur <3 et bizarrement la description te sied bien ^^

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    1. tu as vu ? j'aime aussi ses histoires !
      et je suis bien contente que cet auto portrait l'ai inspiré de la sorte !

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  2. C'est très bien écrit... très mélancolique et poétique

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    1. pas si mélancolique.. à la fin elle est heureuse dans le gouffre monde et elle chante !

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  3. T'es beeeeeeellllle.
    Pas étonnant qu'on t'écrive des textes inspirés!

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    1. <3

      tiens, quand est-ce que l'on aura le plaisir de relire un peu tes articles hyper longs et fourre tout que j'adore ??

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